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L'univers de Sébastien Bonmarchand !

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Dame blanche...

Publié par Séb sur 18 Octobre 2009, 17:59pm

Catégories : #nouvelle

Dame blanche...

Hier, mon fiancé est venu me chercher devant chez moi. Nous ne vivons pas encore ensemble, mais il m'a promis que ça ne saurait tarder. Ce n'est plus qu'une question de mois.

Nous avons pris la route en direction du restaurant où nous avions prévu de fêter son anniversaire. Il a douze ans de plus que moi et j'ai prévu de lui offrir un cadre avec écrit dessus « diplôme du plus gentil grand-père ». Je sais que cela va le faire rire.


Nous sommes en été et bien qu'il soit déjà presque 21 heures, il fait encore très lourd. C'est donc avec plaisir que j'accepte la bouteille d'eau que me tend mon futur mari.

Nous parlons de tout et de rien, de notre journée, moi à la maison sur internet, lui à l'agence d'intérim qu'il dirige et où nous nous sommes rencontrés il y a six mois, puis une fatigue soudaine me fait bientôt bailler.

- J'ai un coup de barre, dis-je pour m'excuser.

- Ce n'est rien, ce n'est rien... répond-il en ne quittant pas la route des yeux.

Nous sommes sur une route secondaire, au milieu d'un col que je ne connais pas et ma vue commence à se brouiller, je vois les arbres défiler comme un rideau mouvant. Je tente de me masser les tempes mais ma tête semble peser dix, cent, voire mille fois son poids.

Mon fiancé actionne son clignotant et s'engage sur un chemin forestier bordé d'arbres touffus qui nous plongent aussitôt dans une demi-obscurité. Il arrête le moteur, se tourne vers moi et, comme à travers une baignoire dans laquelle je me serais plongée, je l'entends me dire que nous sommes arrivés.

Je tente de me redresser sur le siège confortable mais mes forces m'abandonnent, je ne peux plus bouger.

L'homme que j'aime sort de la voiture, en fait le tour pour ouvrir ma portière et, alors que je m'attendais à ce qu'il prenne soin de moi et s'inquiète de mon état, il me sort violemment de l'habitacle en me tirant par le bras et les cheveux et me traine sur le sol rugueux de la forêt.

Comme une flamme éteinte, je ne peux même pas tendre le bras pour me libérer de son emprise, et pourtant je suis incapable d'éprouver le moindre sentiment de peur. J'ai l'impression d'être au milieu d'un cauchemar, d'être spectatrice de ma propre fin. Les souvenirs que nous avons fabriqués depuis notre rencontre, et la décision que nous avons prise de nous marier l'an prochain, m'interdisent de penser que cet homme peut me faire le moindre mal. Je l'aime, il m'aime, je suis en train de dormir et je ne vais pas tarder à me réveiller.


Mais non, rien n'y fait, la scène se poursuit, toujours plus violente et incompréhensible. Je suis beaucoup plus légère que lui, il me tire sans difficultés.

Enfin, il s'arrête et cesse de me trainer derrière lui. Il revient alors à ma hauteur et, d'un coup sec dans les côtes, me fait basculer dans le vide. Je me retrouve sur le dos dans une espèce de tombe improvisée. La terre me brûle déjà la gorge. A travers les brumes de ma quasi inconscience, je le vois une dernière fois. Il jette sur moi un regard éteint et je l'entends me dire :

- Je suis déjà marié, excuse-moi, tout ça m'a dépassé.

Il disparaît quelques instants et revient avec une pelle. Il entreprend alors, dans la nuit tombée, de me recouvrir de terre et quand il m'a dérobé au monde des vivants j'entends sa voiture le rejoindre.


Je suis sortie de ce trou comme de l'eau passe au travers d'une feuille de papier : particule par particule. Je me suis évaporée et une forme blanchâtre me ressemblant s'est reconstituée à la surface.


A peine évadée de ma prison, j'ai eu droit à une surprise de taille. Je ne suis pas la seule dans ce cas. Autour de ma tombe se trouvaient huit autres ultimes demeures creusées par celui que j'avais cru être l'homme de ma vie. J'ignorais qu'il serait celui de ma mort.


Les habitantes de ces lieux, qui s'étaient regroupées en signe de recueillement devant le tumulus de terre ayant englouti mon cadavre, sont bien vite venues à ma rencontre. Encore une, avait soupiré Hélène. Même allure, même physique, même age que nous autres, avait complété Dorothée. Quel salaud, avait conclu Justine.


Elles m'ont alors expliqué qu'elles étaient toutes tombées dans le même piège que moi et qu'une fois par an, toujours à la même période, avec une régularité d'horloger, leur meurtrier déposait une nouvelle fleur dans ce qu'elles l'avaient surpris appelé son « jardin ».


Elles m'ont semblé abattues, comme résignées face à ce rythme singulier et infernal.

- Depuis, nous errons dans cette forêt et sur cette route, parfois un automobiliste nous remarque et entretient la légende de la dame blanche, dit Hélène.


- Mais... dis-je, on ne peut pas le laisser s'en tirer comme cela ! Il faut faire quelque chose ! Sa place est en prison, me suis-je mise à hurler.


- Hélas... me répond Dorothée (j'avais d'instinct découvert leur prénom, comme si la mort libérait de nouvelles perceptions cérébrales et sensitives), nous ne pouvons rien saisir, rien toucher... Comment l'empêcher de tuer à nouveau ?

Silence pesant dans les rangs. Puis une idée jaillit dans mon cerveau.


Je suis placée au bord de la route, un an jour pour jour après ma mort. La météo est identique à celle connue lors de mon dernier jour sur Terre. Avec mes compagnes de malheur, nous avons arrêté un plan infaillible. Pour le mettre en marche, nous avons attendu que notre bourreau vienne hier creuser un nouveau tombeau pour sa prochaine victime. Nous étions les spectatrices muettes de ce labeur infâme mais il ne nous voyait pas, ne nous sentait pas.


Je marche le long de la route qui borde la forêt où dorment nos corps, à quelques centaines de mètres du petit chemin de terre qu'emprunte chaque année notre meurtrier.

J'entends une voiture dans mon dos. Je lui fais signe de s'arrêter. Au volant, la personne que j'attendais : un homme dans la force de l'âge. Il me demande si tout va bien. Je ne réponds pas et ouvre la portière avant de m'installer sur le siège passager.

Je lui fais signe d'aller tout droit puis, à dix mètres du petit chemin, je lui demande de tourner. Il ne se fait pas prier et s'engage sur le sentier parcouru d'obscurité. Je désigne un endroit à l'écart d'où nous pourrons voir sans être vus. Alors qu'il me sourit et s'apprête à me demander des explications, je tends un index vers la voiture qui s'engage sur le chemin de terre.

Il stoppe aussitôt son mouvement et ouvre de grands yeux quand il voit celui que nous voulions toutes épouser sortir sans ménagement de sa voiture le corps d'une jeune adulte. Celle-ci semble inconsciente.

Tandis que la malheureuse est trainée comme un vulgaire sac à patates, le conducteur qui m'a prise en stop sort de son véhicule et, tout en pointant son arme vers notre assassin, lui hurle :

- Gendarmerie ! Plus un geste !

Comme un lapin pris dans les feux d'un puissant projecteur d'hélicoptère, celui qui se pensait intouchable est frappé de tétanie. Son œil est celui d'une statue de cire et sa bouche est celle d'un habitant de Pompéi peu après l'éruption du Vésuve.

Le gendarme ne fléchit pas et tout en tenant en respect notre homme en braquant son arme vers lui, il appelle des renforts en utilisant la radio qu'il avait placée sur son épaule gauche.


Je rejoins les autres filles et, tandis que les renforts passent les menottes à la crapule de ces bois, nous nous plaçons chacune au dessus de notre tombe. Un gendarme aperçoit nos silhouettes blanches et, pendant qu'il se retourne pour alerter ses collègues, nous nous élevons vers une lumière plus blanche encore que nos robes et les mots... dans ma tête.. lointains... lointains...

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L
Coucou,<br /> C’est l’une des plus belles histoires que j’ai lues sur votre blog qui est, d’ailleurs, très intéressant !
Répondre
S
Merci beaucoup, vos commentaires m encouragent beaucoup à continuer.
K
<br /> ouha très prenant!!!<br /> <br /> <br />
Répondre

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