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L'univers de Sébastien Bonmarchand !

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Aimer... c'est ce qui a de plus beau... Vraiment ? Certain ?

Publié par Séb sur 5 Juillet 2008, 22:33pm

Catégories : #théâtre

Décors : une femme assise sur le sol. Vêtue de blanc, la tête entre les genoux.


Je l’aime, c’est comme ça. Qu’est-ce que j’y peux, moi ? Il sait à peine que j’existe, mais il me croise, je le croise, on se croise, toujours, partout. Hier, je crois qu’il m’a souri. Ce genre de sourire dont vous n’êtes pas même certaine qu’il vous soit destiné, comme si c’était une écharpe qui volait dans les airs et qui passe devant vous, comme ça, pour déconner, sans que vous compreniez.

Non, c’est à moi qu’il a souri, c’est sûr. A qui aurait-il bien pu sourire sinon dans ce couloir ? S’il y avait eu une autre femme dans mon dos, qui aurait attiré son regard, je l’aurais sentie sortir ses griffes pour l’attirer à elle et me trucider en souriant. Ou alors je me serais défendue, on aurait combattu comme le gladiateur et le lion et mon empereur m’aurait autorisée à en finir avec elle.

C’est ça, il est mon empereur, mon soleil. Je tourne autour de lui, je le lèche de la faible lumière que j’émets, je le gronde en silence quand il me snobe en souriant... je le hais !

Oh si vous saviez ce que je le hais ce bonhomme qui se sait aimé et qui en profite ! Combien de cafés lui ai-je offert en tremblant ? Et lui qui souriait toujours. C’est un sourire étrange. A peine une lèvre retroussée, tout juste une pommette frissonnante. La première fois que je l’ai vu, j’ai pensé à une huître. Il est hermétique et rugueux comme elle, ce sourire à la con que je n’arrive pas à oublier ! C’est comme une huître : parce qu’on se dit que c’est beau à l’intérieur avec peut-être une perle et on tend la main en confiance, mais on se blesse sur ces putains de pics qui ne servent à rien et qu’on aurait dû laisser au fond de la mer !

Remarque, je n’ai jamais pu les sentir ces huîtres, c’est écœurant. Ça ne ressemble qu’à de la morve et quand on les engloutit, ça fait un bruit atroce, comme un aspirateur enrayé. En fait, je suis amoureuse d’un aspirateur enrayé. Ça doit être freudien, ça encore.

Bref, faut que je me fasse belle. Dans (elle lève la tête comme pour interroger les rayons d’un soleil inexistant) trois heures, je vais le croiser par hasard au deuxième étage comme tous les mardis. Heureusement qu’on a encore cette réunion en commun, sinon comment je ferais, moi, pour le voir de temps en temps ? Même pas le toucher, mais simplement le voir, essayer désespérément de le humer, ce foutu parfum qui me rend folle ! J’en ai besoin, c’est ma drogue !

C’est vrai, ça. Qu’est-ce que je deviendrais s’il sortait subitement de ma vie, s’il partait travailler à l’étranger ou simplement dans une autre entreprise, s’il ne revenait jamais ! Et…s’il mourrait ? Oh mon Dieu ! On n’aurait plus qu’à m’enfermer, à me passer les lianes et tout le tintouin. Ceux qui me connaissent de vue ne comprendraient pas – ils déduiraient peut-être que je fais de la dépression et continueraient leurs vies. Ceux qui me connaissent un peu mieux, les collègues de tous les jours, auraient peur que ça les touche aussi et ils désinfecteraient mon bureau, mes affaires, brûleraient mes classeurs… Quelques rares amis éprouveront peut-être de la compassion face à cette recluse qui ne s’alimente plus et n’a plus envie de rien. Ils passeront les premières semaines, comme ça pour prendre des nouvelles, avec sous le bras une boite de chocolats ou des fleurs bon marché, histoire de répondre à un quelconque devoir d’amitié. Seulement, les cadavres de carton et les fleurs fanées s’accumuleront dans ma chambre... Soit je les virerais tous, en leur hurlant dessus, abrutie que je serais par les médicaments, soit d’eux-mêmes ils ne viendraient plus, qui sait. Je ne serai déjà plus de ce monde quand ils fêteront Noël en demandant, un litchi à la main, si quelqu'un se souvient de la brave Estelle. Mais personne ne s’en souviendra ! Mon bureau aura été refait à neuf durant mon absence et une nouvelle tout juste sortie de la fac prendra ma place. Les vieilles guenons qui étaient déjà là quand je suis arrivée ne lui diront rien de moi et elle tombera amoureuse d’un quelconque collaborateur, sans doute marié comme le mien, et nous nous retrouverons toutes dans cette… cette quoi au juste ? Dans ce placard. Oui, c’est un placard. Elle ne va pas tarder à me rejoindre ici, ma remplaçante. Au bureau, je suis sûre qu’on parle déjà de la malédiction du bureau 17. Il n’y aura plus personne, on condamnera cette entrée ou bien on en fera une remise où seul le personnel de ménage est obligé de se rendre.

Ça y est ! Ecoutez ! J’entends des pas ! C’est lui ! Il revient me chercher, je lui manque et il va me prendre, il va m’enlever ! Nous ferons le tour du monde sur son voilier et nous nous aimerons sous les cocotiers !

Non ! Ce n’est pas lui ! On dirait des talons aiguilles ! C’est ma remplaçante au bureau qui me rejoint ! Celui qu’elle aime l’a aussi abandonnée ! (on entend deux claquements successifs, comme une porte qui s’ouvre et se referme aussitôt) Ah… non, c’est juste mes médicaments. Tant pis...

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R
Une façon bien à toi de nous raconter une histoire. Original je trouve. Bonne soirée
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L
franchement j'adore, j'aurais trop envi de mettre un style comme ca en scene :d
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C
waouh, quelle puissance dans cette plongée dans un esprit ravagé !!!j'y ai cru, bravo.Au fait, quel est le n° de ta chambre d'hôpital ? (^-^)
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K
oui. et s'il mourrait... s'il était finalement gay...bravo! je suis Estelle!
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