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L'univers de Sébastien Bonmarchand !

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pièce "EVASION"

Publié par Sébastien Bonmarchand sur 26 Novembre 2018, 09:35am

Catégories : #théâtre

Les Chaises, Ionesco.

Cette pièce, écrite lors d'un atelier d'écriture à Pont à Mousson, devait être publiée mais l'éditrice (dont je tairai le nom pour ne pas lui attribuer de référencement Google) a fait volte-face.

 

EVASION

 

Pièce écolo-libertaire en 4 scènes

 

DECORS : Une rue de Paris, avant les premières lueurs du jour.

 

PERSONNAGES :

  • Une chaise en bois, ouvragée, travaillée, de petite, voire haute noblesse

  • Une table de chevet en bois de petite vertu

  • Une lourde porte de garage en bois, bonne à changer

  • 4 sapins en cavale

  • Des pavés, vulgaires traîne-savates, impolis qui plus est

 

 

SCENE 1

 

LA CHAISE (avançant clopin-clopant sur les pavés froids) : Brr... Quel froid ce matin ! (un temps). Hé ! Oh ! (un temps) Personne, visiblement... Bon... (elle regarde à droite et à gauche) Je vais m'installer ici... Ça a l'air tranquille. Ils sont beaux, ces pavés. Les autres devraient bien finir par arriver...

 

Silence. Le temps passe. Quelques bruits au loin de klaxons et de volets qu'on ouvre.

 

LA CHAISE : Ça commence à faire long... J'aurais pu rester un peu plus longtemps dans mon bureau... Mes petites pattes préféraient la chaleur de la moquette à ce...

 

LES PAVES : Eh ! Ta gueule, la bourgeoise ! Si j'te plais pas, j'te retiens pas !

 

LA CHAISE : Mais... Je ne vous permets pas !

 

LES PAVES : Ta gueule, j'te dis ! C'est toujours la même chose avec les « madame de » dans ton genre ! Ça vient reluquer les vieilles pierres du quartier et dès que ça a mal aux guibolles, v'là qu'ça se plaint !

 

La chaise, outragée, tape des pattes sur les pavés.

 

 

SCENE 2

 

Arrive en courant une petite table basse qui a déjà bien vécu si j'en crois son bois abîmé et parfois cassé.

 

LA TABLE BASSE : Eh, Ginette ! Un peu de respect pour la bourgeoise ! Si Madame vient dans la quartier, déjà, ça l'embellit. Parfaitement, Ginette ! Ça l'embellit ! Alors tu arrêtes de suite tes simagrées et tu t'excuses !

 

LES PAVES : Moi ? M'excuser ?

 

LA TABLE BASSE : Parfaitement, Ginette ! Tu t'excuses ! Tu crois que le quartier, il le tient d'où son fric pour rénover ta putain de voie piétonne et tes trottoirs à la con où je dois circuler de travers ? Des bourgeois dont Madame accueille les fesses ! Parfaitement, Ginette ! Alors ne va pas lui inspirer de mauvaises pensées à notre sujet ! J'ai pas envie qu'elle pique le cul du prochain notable qui votera le budget du quartier !

 

LES PAVES : OK, OK...

 

LA CHAISE : Il ne faut pas vous... Je peux...

 

LA TABLE BASSE : C'est bon, ma petite dame. Le problème Ginette est réglé. Vous... Vous êtes bien installée ? Une petite douceur pour vous réchauffer peut-être ?

 

LA CHAISE : Non, merci... (un temps) Je suis venue pour … (bas) Enfin, vous savez...

 

LES PAVES (très haut) : Ah ! Le rendez-vous ! Elle est venue encombrer mon passage pour le rendez-vous !

 

LA TABLE BASSE : Vas-tu cesser tes provocations, oui ? (A la chaise) Eh bien, vous êtes au bon endroit. (se recule) Attendez, je regarde le clocher... Oui, c'est bien ça, vous êtes même en avance...

 

LA CHAISE : C'est que... Vous savez, à Paris, si une chaise de mon rang se promène seule dans la rue une fois le jour levé, on a vite fait de jaser... C'est pour ça que j'ai quitté mon appartement haussmannien quand il faisait encore nuit noire...

 

LA TABLE BASSE : Je comprends...

 

LES PAVES  (cérémonieux) : Nous comprenons, nous comprenons... Être une « madame de » doit bien présenter quelques désagréments...

 

LA TABLE DE BASSE (hurlant) : Mais arrête de te foutre de sa gueule, bordel !!!

 

(long silence)

 

LA CHAISE (chuchotant) : Mais... Savez-vous quand le départ est prévu ? Je veux dire... Les Parisiens commencent à sortir, ils risqueraient de....

 

LA TABLE BASSE : Justement ! C'est ça le plan ! Les gars de la déchetterie ne passent pas avant deux bonnes heures... Donc si quelqu'un nous voit sur le trottoir, il se dira qu'on attend notre place dans la benne ! Il ne sera pas surpris ! (un temps) Mas nous attendons encore Robert.

 

 

 

SCENE 3

 

LA CHAISE : Robert ? Mais qui est Robert ?

 

ROBERT : Moi ! C'est moi, Robert !

 

LA CHAISE (regardant partout autour d'elle) : Qui moi ?

 

ROBERT : Là, derrière vous ! La porte de garage en bois ! J'essaie de me dégonder mais mes articulations sont tellement vieilles... Elle ont vu passer tellement de voitures... Je crois que je ne pourrai pas vous accompagner... Je dois me résoudre à finir broyée à la déchetterie et à être remplacée par une made in China...

 

LA CHAISE : Mais non ! Il doit bien y avoir une solution ! Table, qu'en dîtes-vous ?

 

LA TABLE BASSE : Ce que j'en dis... C'est que sur le Titanic, les musiciens ont joué jusqu'au bout... Donc Robert... devra grincer, couiner et souffrir jusqu'à son remplacement...

 

LA CHAISE : Nous ne pouvons donc rien faire ?

 

LA TABLE BASSE : Avez-vous déjà vu une table et une chaise, même une chaise de la haute, réussir à dégonder ne serait-ce... qu'un portillon de jardin ?

 

LA CHAISE : C'est sûr, vu sous cet angle... (A Robert, solennelle) Quand nous aurons retrouvé nos nobles et vigoureux ancêtres au cœur de la forêt, je vous promets de … heu... de...

 

LES PAVES (provocateur) : De faire un petit feu de bois en son souvenir ?

 

LA CHAISE : Oh ! Par tous les bois de l'éternelle Forêt Noire ! Non, ce serait un crime abominable !

 

LES PAVES : Ouh... Je déconnais, les filles, mais magnez-vous de prendre une décision car je vois rappliquer des invités surprises...

SCENE 4

 

Arrivent quatre sapins en faisant des bonds, comme une course de sac à patates. Ils s'adossent au mur de la maison voisine et semblent reprendre leur souffle.

 

SAPIN 1 : C'est bon, vous croyez ? On les a semés ?

 

SAPIN 3 : Oui... Ils ont tourné rue de la scierie !

 

SAPIN 4 : Oh ! Les salauds ! Quelle rue horrible !

 

SAPIN 2 : Mais t'es con ou quoi ? Au moins ils s'éloignent de nous, c'est l'essentiel ! Ils peuvent même aller Boulevard des bûcherons, si ça leur chante !

 

LA CHAISE (admirative) : Vous venez aussi pour... (chuchote) l'évasion ?

 

SAPIN 1 : C'est quoi cette seconde main ?

 

SAPIN 2 : Encore une imitation bois qu'on aura vendue comme du chêne véritable ! En tout cas, on semble au bon endroit, les copains !

 

SAPIN 4 : Et, elle.... elle tient debout, elle ! (il tombe à la renverse, est tout emmêlé sur les pavés)

 

LES PAVES : Eh ! Doucement l'épicéa !

 

SAPIN 3 : Relève-toi, abruti !

 

LA TABLE BASSE : On pourra toujours le traîner car là... ça va être l'heure. Et on n'avait pas prévu de prendre avec nous des... des... Vous êtes quoi, au juste ?

 

SAPIN 3 : Des futurs sapins de Noël qui ont faussé compagnie à leur marché , tu peux le dire !

 

SAPIN 2 : Et qui connaissent bien le chemin de la forêt !

 

SAPIN 4 : Donc on vous sera bien utiles !

 

LES PAVES : Bin, les filles, ça arrange bien vos affaires, ça ! Vous serez quittes de finir aux Puces ou chez les Romanos, c'est bien !

 

SAPIN 1 : OK, super... Comme si le voyage retour ne s'annonçait pas déjà assez compliqué comme ça...

 

SAPIN 4 (toujours par terre) : En tout cas, si elles ne me tirent pas, c'est pas toi qui vas me relever ! Et moi je n'attends pas le Père Noël dans cette rue ! Donc faut vous décider, les mecs !

 

SAPIN 1, 2 et 3 tiennent un conciliabule en essayant de conserver leur équilibre précaire.

SAPIN 1 : OK, ça marche... on vous prend, mais si vous n'arrivez pas à suivre avec vos assemblages manufacturés, on vous balance dans la Seine et vous flotterez jusqu'à Rouen.

 

Tous se mettent en mouvement.

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