Accident de la vie

J'ai eu un accident de la vie, dramatique.

Chaque seconde, depuis, est douloureuse, ou tendre, je ne sais plus.

Ça s'est passé à un carrefour, comme on dit.

C'était il y a quelques années.

Je roulais tranquillement, poussé par les vents, sur les routes sinueuses de mes jours nocturnes.

J'avais régulièrement la sensation d'à coups, secs mais discrets. Ils étaient là, partaient de la paume de la main et arrivaient au creux des reins, comme des messages invisibles.

Je roulais, regardant devant, moins derrière. La fenêtre ouverte, j'inspirais les odeurs du monde, j'entendais ses complaintes et ses murmures, comme tapis sous la mousse de l'air.

Je connaissais les secrets, j'inventais des ritournelles que l'horizon emportait.

Puis tout a basculé. Soudainement, sans freinage possible. Je l'ai vue au loin mais j'ai accéléré, semant les arbres et les glissières. Je ne voulais même plus que les freins songent à moi. Je voulais m'encastrer.

Je me suis encastré, avec pertes et fracas, aux premières lueurs.

Puis, c'est sans doute naturel, tout s'est arrêté. Le cours d'eau court sur mes yeux gourds, mes jambes flambent sous la gambe .

Ce n'était pas un ralenti, ni une pause, c'était un arrêt. C'était la vie.

J'ai rouvert les yeux après cet accident de vie, ou plutôt je les ai ouverts : c'en était fait, je suis tombé amoureux de toi, Koala.